MARDI 13 DÉCEMBRE
J’avais rendez-vous chez M. Georges Simonet (ancienne maison de Lise Deharme). Nous avons échangé (sans caméra) sur sa vie dans cette maison, ses recherches, ses souvenirs et sur mon projet de microscopique, afin de faire connaissance. C’était un moment assez beau, installés dans le salon un peu frais de sa grande maison, un moment suspendu, un peu lunaire, tôt le matin. M. Simonet m’a donné l’autorisation de filmer dans la semaine – un jour de beau temps – les extérieurs de la maison pour le film en cours autour de Lise Deharme.
Le tournage que je devais faire avec l’école primaire de Montfort-en-Chalosse a été annulé alors que la Scène Déménage et moi-même avons essayé de le mettre en place à chaque phase de résidence. Dommage.
Je me suis rabattue sur la mise en place de mon super travelling “low cost et de compétition” que m’avait fabriqué Fred Maire pour un autre film il y a quelques années. J’ai eu cette fois-ci envie de l’amener à Montfort pour filmer les maisons de René Ladeux… Le mouvement du travelling s’accorde harmonieusement avec les maisons courbes de cet architecte.
MERCREDI 14 DÉCEMBRE
Madame Quitterie Lajus m’a donné l’autorisation de filmer, au sein du centre de Montpribat, les parties conçues par René Ladeux. Cela m’a permis de saisir l’agencement des divers bâtiments les uns par rapport aux autres. Depuis octobre, mon regard s’est aiguisé sur l’oeuvre de René Ladeux, je reconnais ce qui est de lui ou pas. J’ai été vraiment frappée par l’intelligence avec laquelle chaque génération de bâtisseurs de Montpribat a respecté la précédente tout en l’augmentant : René Ladeux a construit certaines parties en s’harmonisant avec le château initial. Jean Gerbaud a construit, avec le concours de l’architecte Didier Rebeyrol, le reste, en respectant le château et les maisons Ladeux.
J’ai imaginé que les carrelages mosaïque du hall d’entrée étaient un clin d’oeil contemporain aux mosaïques réalisés par l’artisan Magagnolli pour René Ladeux dans les années 60. Magagnolli, dont Lucette Camescasse se souvient, il était son voisin… peut-être même est-ce lui qui avait réalisé la mosaïque du Café des Sports que tenait Lulu ?
Cette attention et finesse dans l’architecture de Montpribat à travers les siècles et les années, m’ont beaucoup touchées. J’espère que le propriétaire actuel de Montpribat a le regard averti pour se rendre vraiment compte de cette belle transmission architecturale. Je croise fort les doigts pour cela.
Ensuite j’avais rendez-vous avec Annie-Claude Moresmau pour réaliser avec elle une topographie humaine d’un espace commun. Un tournage bien agréable et instructif qui poursuit le tissage des liens entre les films, entre les gens, entre les années.
En fin d’après-midi, Maurice Gassie est très gentiment passé au local pour m’apporter les informations que je lui avais demandées sur le kiosque et l’histoire de Montpribat. Ces informations feront partie de son prochain livre sur Montfort qui paraîtra en mars 2023 normalement.
Et enfin, avec certain.e.s jeunes du Conseil Municipal des Jeunes de Montfort, nous avons poursuivi l’élaboration du film débuté avec eux en octobre dernier. Tournage à la nuit tombée, les pieds dans la boue, à la fontaine des 100 marches et sur le stade d’entraînement. René, membre du conseil municipal et accompagnateur, se demande bien comment nous allons pouvoir faire un film cohérent avec tous ces plans inventés par les jeunes. Pour ma part, je veille, et je sais que nous arriverons à un film intéressant au final. Je ferai tout pour que ce soit le cas car je suis ravie de travailler la microscopique avec ces jeunes adolescent.e.s qui contribuent à la vie du village au même titre que les adultes.
De façon plus générale, cette semaine, je sens que je suis dans ma dernière ligne droite, je resserre mes demandes, cible les manques pour certains films, suis contrainte de refuser certains sujets que je n’aurai pas le temps de traiter et tente de clôturer cette présence extérieure en douceur.
Difficile pour les Montfortois.e.s de comprendre que la microscopique ne cherche pas à être exhaustive ni “publicitaire”, qu’elle fait avec ce qui est là au moment T. C’est une partie qui raconte “un peu” du tout mais vraiment un peu. Et déjà ce “peu” fait que je fais exploser le temps imparti de la résidence qui était censée s’arrêter le 18 décembre. Or, les montages de la vingtaine de films en cours vont m’occuper à plein en janvier. Ce n’est pas très raisonnable mais je déteste laisser les films rêvés inachevés et ne pas tenir les engagements tacites que j’ai passés avec chaque personne filmée.
Je suis frappée par les langues qui se délient, en off, sur la complexité du réel de Montfort (et d’ailleurs). En creux, j’en déduis que ce qui a été dit “face caméra” est une réalité un peu “nettoyée” des aspérités de la vie. La relation de confiance en documentaire demande toujours plus de temps, même si j’ai eu la chance de faire une “résidence longue”, elle est encore trop courte.